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Laïcités et religions dans le monde contemporain

Sociologie des religions et de la laïcité

Valentine Zuber
p. 327-329

Résumé

1. Histoire critique de la tolérance à la laïcité en Europe et aux États-Unis — 2. Les relations églises-état dans la sphère occidentale

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Texte intégral

1Pour des raisons sérieuses de santé, le programme annoncé pour ce séminaire n’a pas été complètement respecté. Seule la première partie intitulée « Histoire critique de la tolérance et de la laïcité en Europe et aux états-Unis » a été entièrement traitée durant l’année. En revanche, l’étude de la seconde partie, « Droits de l’homme et sécularisation » a été reportée à l’année suivante. Le séminaire s’est ouvert sur une réflexion menée en commun sur les thèses développées par le livre de Paul Veyne, Comment nous sommes devenus chrétiens, Paris 2007. Ce livre à la fois académique et engagé propose une relecture de la christianisation de l’Occident à l’époque de Constantin. L’argument de Paul Veyne, qui insiste sur l’importance de l’engagement religieux personnel de l’empereur dans le processus de christianisation de la société impériale et romaine, a fait débat lors de la sortie de l’ouvrage. Nous sommes donc revenus sur ce débat et sur ce qu’il sous-tend en matière d’histoire occidentale de la sécularisation. Dans un second temps nous avons abordé le problème de la tolérance religieuse au Moyen-Âge. En nous attardant sur les notions de schisme et d’hérésie, construites pendant la période des grands conciles, nous avons étudié leurs applications dans une société de chrétienté très tôt confrontée à diverses forces centrifuges (schisme entre christianisme d’Orient et christianisme d’Occident, mouvements sectaires) et à la concurrence religieuse avec l’apparition de l’islam. Puis nous avons consacré un séminaire aux thèses développées par Arlette Jouanna, dans son ouvrage intitulé La Saint-Barthélémy, paru àParis en 2007. L’auteur se livre à une critique historiographique très serrée de l’histoire de cet événement fondateur de l’histoire politique de la France moderne. Elle distingue deux grands moments dans ce double massacre : l’acte résolument politique de Charles IX dans l’élimination programmée des chefs huguenots, dans la nuit du 24 août 1572 et le débordement populaire qui a dégénéré dans un massacre généralisé les jours suivants. Elle présente avec des arguments probants la justification royale de l’élimination politique et montre combien la suite a dénaturé aux yeux des contemporains et de la postérité, la portée de l’exercice de la violence légale exercée par le souverain.

2Nous avons ensuite consacré deux séminaires à la compréhension politique et religieuse de l’Édit de Nantes (1598) et de l’Édit de Fontainebleau portant révocation de l’Édit de Nantes (1685). L’Édit de Nantes, dissociait pour la première fois dans l’Europe occidentale (même si c’était prévu comme solution temporaire en attendant une hypothétique réconciliation confessionnelle) l’appartenance religieuse des Français de leur allégeance au roi de France. En cela on peut y voir une première étape dans la sécularisation du pouvoir politique avec la promotion d’une certaine tolérance civile dans un contexte de forte intolérance religieuse. La révocation, au contraire, a été un acte politique absolutiste intolérant et presque suranné dans une Europe qui se découvrait alors de plus en plus bigarrée d’un point de vue confessionnel et qui a adopté des politiques tendant vers une certaine tolérance civile du pluralisme religieux dans le cadre du « despotisme éclairé ».

3Les deux révolutions d’Angleterre (avec le Bill of Rights de 1689) et l’indépendance des colonies américaines (avec l’instauration du « mur de séparation » par le premier amendement à la constitution américaine de 1791) marquent deux étapes majeures dans l’histoire de la sécularisation du politique du monde occidental. Nous y avons consacré deux séminaires afin d’explorer par l’étude des textes les différentes influences intellectuelles ayant mené à des choix politiques différents. Dans le cas de l’Angleterre, c’est la promotion de l’érastianisme et la mise en œuvre d’une tolérance civile (sauf pour les catholiques et les athées) dans le cadre d’une religion d’État « établie » et surplombante ouverte à tous. Aux États-Unis d’Amérique, c’est, au contraire, le refus de toute religion établie et de toute discrimination religieuse avec l’instauration d’un État fédéral dont la neutralité confessionnelle sert peu à peu d’exemple aux différents États confédérés.

4Nous avons enfin consacré plusieurs séances à l’étude de la laïcisation française de la Révolution à la loi de séparation de 1905. Nous avons ainsi étudié le problème de l’émancipation des juifs dans les toutes premières années de la Révolution. Puis nous avons détaillé les différents projets de déclaration des droits de l’homme et les débats qu’ils ont occasionnés à l’Assemblée. Nous nous sommes ensuite attardés sur le problème spécifique posé par la reconnaissance de la liberté religieuse dans l’article X de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Nous avons ensuite évalué les différentes étapes de la politique religieuse de la révolution française, fluctuant entre plusieurs inspirations politiques (gallicanisme, anticléricalisme, libéralisme) jusqu’à sa normalisation bonapartiste avec la signature du Concordat (1801) et la mise en place du système des cultes reconnus (1802 et suiv.). Le système concordataire renouait en partie avec la tradition monarchique et gallicane de contrôle des cultes par le souverain politique, mais innovait par la reconnaissance officielle et légale du pluralisme religieux de la société française. L’État français devint un état « neutre » d’un point de vue légal même si, dans les faits, l’Église romaine était tout de même favorisée par les pouvoirs publics en raison de l’importance numérique de ses fidèles dans la société. Dans cette optique, la loi de séparation nous apparaît plus comme un approfondissement de la laïcisation de l’État français qu’une véritable rupture idéologique avec la logique concordataire. En ne reconnaissant plus aucun culte, l’État, déjà légalement neutre, abandonnait simplement ses prérogatives en matière de gestion (à la fois politique et financière) du religieux qui a alors été presqu’entièrement privatisé. Un dernier séminaire a enfin été consacré à l’étude de l’impact de l’affirmation de l’islam français sur l’identité nationale et son rôle dans la redéfinition actuelle de la laïcité française.

5Dans le cadre de la formation spécifiquement dédiée au master, plusieurs séminaires ont été consacrés à l’étude des différentes formes actuelles de relations Église-État dans la sphère occidentale. Ont ainsi été détaillées dans une vaste typologie, les particularités de différentes sphères géographiques et culturelles en matière de gestion politique du religieux : les pays de sécularisation du Royaume-Uni aux pays scandinaves, les pays mixtes comme l’Allemagne et les pays d’Europe centrale, les pays de laïcisation come l’Europe latine et la Turquie et enfin les cas particuliers de l’Amérique avec les approches spécifiques des États-Unis et du Canada.

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Pour citer cet article

Référence papier

Valentine Zuber, « Sociologie des religions et de la laïcité »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses, 116 | 2009, 327-329.

Référence électronique

Valentine Zuber, « Sociologie des religions et de la laïcité »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses [En ligne], 116 | 2009, mis en ligne le 19 novembre 2009, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/asr/640 ; DOI : https://doi.org/10.4000/asr.640

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Auteur

Valentine Zuber

Maître de conférences, École pratique des hautes études — Section des sciences religieuses

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